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Conte n°9 – Histoire du Sage et le Simple

Il était une fois, dans une ville, deux propriétaires. Ils étaient très riches et possédaient de grandes maisons. Ils avaient deux fils, c’est-à-dire que chacun avait un fils. Les deux enfants étudiaient ensembles au même ‘heder. L’un d’eux, ‘Hacham était d’intelligent ; l’autre, Tam, était simple (non pas qu’il fût idiot, mais il était simple, sans subtilité). Les deux enfants s’aimaient beaucoup, bien que l’un fût très intelligent et que l’autre eût l’esprit simple. Ils s’aimaient beaucoup.

Un jour, les deux propriétaires virent leur fortune décroître tant et si bien qu’ils perdirent tout et devinrent pauvres. Il ne leur resta plus que leurs maisons. Les enfants avaient grandi, et leur pères leur déclarèrent: “Nous n’avons pouvons plus subvenir a vos depenses et vous entretenir. Faites ce que vous pouvez.”

Tam partit apprendre le métier de cordonnier. ‘Hacham, qui était très intelligent et très savant, ne voulait pas se contenter d’un métier aussi simple. Il décida de parcourir le monde, d’observer quel metier choisir.

Il partit et se promena au marché, aperçut un grand chariot qui passait, tiré par quatre chevaux. Il interpella les marchands et leur demanda :
- D’où êtes-vous?
- De Varsovie.

– Où allez-vous?
- A Varsovie.
- Peut-être avez-vous besoin d’un petit serviteur?
Les marchands virent qu’il était intelligent, jeune et actif, et il leur plut. Ils l’emmenèrent avec eux et il les servit très bien pendant le voyage. Il arriva donc à Varsovie, et son intelligence lui fit dire : “Me voici à Varsovie. Pourquoi se lier avec ces marchands ? Peut-être se trouve-t-il meilleure place. Allons chercher et voir!” Il se dirigea vers le marché,il commenca a enqueter et a poser des questions sur les gens qui l’avaient amené, et s’il n’existait pas une meilleure place que chez eux. On lui répondit que ces gens étaient honnêtes et que la place était bonne quoique difficile, car ils faisaient du commerce dans des endroits très éloignés. Il continua son chemin et remarqua des commis qui arrivaient au marché. Ils avaient l’allure et les manières propres à leur profession, avec leurs chapeaux, leurs chaussures pointues, et toutes les affectations que révélaient leur pas et leur habillement. En jeune homme intelligent et malin, cela lui plut beaucoup. C’était aussi joli à voir que ce qu’il avait connu chez lui.
Il se rendit chez les gens qui l’avaient amené et les remercia, disant qu’il ne lui convenait pas de rester avec eux. Il les avait servis en chemin en échange du transport. Il prit donc congé d’eux et se mit au service d’un patron.
Voici la carrière d’un employé. On commence en simple apprenti et il faut travailler dur pour un maigre salaire. Ensuite, on devient un employé d’un rang un peu plus élevé.
Le patron de ‘Hacham le fit travailler durement. Il l’envoyait porter des marchandises à des commissionnaires, car c’est la tâche des coursiers de porter des balles de tissus sous le bras. Un jour, ‘Hacham dut monter sa marchandise jusqu’à un grenier. Ce travail lui était pénible, et comme il était philosophe et intelligent, il se dit : ” Qu’ai-je besoin de ce travail ? L’essentiel est d’avoir un but, de se marier et de subvenir à ses propres besoins. Mais je n’ai pas besoin de m’occuper de cela pour l’instant, je verrai plus tard. Mieux vaut voyager dans le monde et visiter des pays “.
Il se rendit au marché et vit des marchands qui se mettaient en route à bord d’un grand chariot. Il leur demanda :
- Où allez-vous ?
- A Livourne.
- Me prendrez-vous avec vous ?
- Oui.
Ils l’emmenèrent et partit ainsi pour l’Italie. Après l’Italie, il partit pour l’Espagne.

Les années passèrent. Ayant visité de nombreux pays, ‘Hacham accrut encore son savoir. Il se dit qu’il devait à présent garder les yeux fixés sur un but, et aidé de sa philosophie, il réfléchit à ce qu’il allait faire. Il fut séduit par l’idée d’apprendre l’orfèvrerie, car c’est un bel et noble art qui demande beaucoup de finesse et rapporte bien. ‘Hacham, philosophe et intelligent, n’eut pas besoin d’apprendre cet art durant de longues années. Il le maîtrisa en trois mois et devint un grand artisan. Il connaissait son art mieux que son propre professeur. Plus tard, il se dit : ” J’ai un métier dans les mains, mais ce n’est pas suffisant. Aujourd’hui c’est ce métier qui compte, mais demain il en sera

peut-être autrement. ” II entra donc au service d’un joaillier et grâce à son intelligence, il maîtrisa l’art de la joaillerie en peu de temps, en trois mois. Sa philosophie lui fit dire : ” Me voici en possession de deux professions. Qui sait quelle sera leur importance plus tard ? Il serait bon que j’apprenne un métier qui ait toujours de la valeur.” Après avoir mûrement réfléchi, il décida d’apprendre la médecine, car c’est une chose dont on a toujours besoin et qui aura toujours de l’importance. D’habitude, pour étudier la médecine, il faut commencer par apprendre à lire et à écrire le latin ; il faut aussi étudier la philosophie. ‘Hacham, doté d’une vive intelligence, apprit tout cela en peu de temps, en trois mois. Il devint un grand médecin et un grand philosophe ; il était versé dans toutes les sciences.

Alors, le monde lui parut totalement insignifiant. Son intelligence lui faisait penser qu’il était le seul à posséder ce don, puisqu’il était un si grand artisan, un si grand savant et un si grand médecin. A ses yeux, le reste du monde était insignifiant.
Puis il décida de se fixer un but et de prendre femme. Il réfléchit et se dit : ” Si je me marie ici, qui saura ce qu’il est advenu de moi ?. Mieux vaut rentrer chez moi afin que les gens voient ce que je suis devenu. Je n’étais qu’un adolescent lorsque je suis parti et maintenant j’ai acquis de l’importance “. Il se mit en route et rentra chez lui. Son intelligence lui causa beaucoup d’ennuis sur le chemin ; il ne put parler à personne et ne trouva pas d’auberge à sa convenance. Il n’eut que des désagréments.

Abandonnons pour l’instant l’histoire de ‘Hacham. Nous allons raconter maintenant celle de Tam.
Tam avait appris le métier de cordonnier. Comme il était simple, il dut l’apprendre longtemps avant de pouvoir l’exercer. Il ne le connaissait pas parfaitement mais il en vivait et se maria. Etant simple et ne maîtrisant pas son métier comme il aurait dû, il gagnait sa vie maigrement et difficilement. Il n’avait pas même le temps de manger car, n’exerçant pas sa profession parfaitement, il devait sans cesse travailler. Mais tout en travaillant, alors qu’il poussait l’alêne et faisait passer le fil, il mordait dans un bout de pain et mangeait. Il était toujours gai et joyeux. Il disposait de toutes les nourritures, de toutes les boissons et de tous les vêtements. Il disait à sa femme : ” Ma femme, donne-moi à manger ! ” Elle lui donnait un morceau de pain qu’il mangeait. Puis il disait : ” Donne-moi du bouillon et de la kasha.” Elle lui coupait encore un morceau de pain et il le mangeait. Il complimentait sa femme et lui disait : ” Comme ce bouillon est délicieux ! ” Puis, il demandait de la viande et elle lui donnait encore du pain. Il mangeait et complimentait sa femme : ” Cette viande est vraiment bonne ! ” Il lui demandait aussi de lui donner d’autres mets délicieux et pour chaque mets qu’il réclamait, elle lui donnait du pain. Il en tirait grand plaisir et faisait l’éloge de chaque plat, en vantait la saveur, comme s’il en avait réellement goûté. En fait, dans chaque morceau de pain, il retrouvait réellement le goût des plats qu’il désirait. Grâce à sa simplicité et à sa joie, manger du pain était pour lui comme manger de toutes sortes de mets.
Puis il disait : ” Ma femme, donne-moi de la bière. ” Elle lui servait de l’eau et il en faisait l’éloge : ” Cette bière est savoureuse ! ” Il réclamait un alcool et sa femme lui apportait de l’eau dont il faisait aussi l’éloge : ” Le bon alcool que voilà ! Sers-moi du vin ou quelqu’autre boisson ! ” Elle ne lui donnait que de l’eau. Il goûtait et vantait la boisson, comme s’il en avait réellement bu.
Il en était de même pour les vêtements. Tam et sa femme n’avaient tous les deux qu’une peau de mouton. Lorsque Tam avait besoin d’une peau de mouton pour aller au marché, il disait : ” Ma femme, donne-moi la peau de mouton. ” Elle la lui apportait. Lorsqu’il avait besoin d’une pelisse pour rendre visite à quelqu’un, il disait : ” Donne-moi ma pelisse. ” Elle lui donnait sa peau de mouton. Il l’appréciait beaucoup et disait en termes élogieux : ” Quelle belle pelisse ! ” Avait-il besoin d’un caftan pour aller à la synagogue ? Il disait : ” Ma femme, donne-moi le caftan ! ” Elle lui donnait la peau de mouton et il disait : ” Quel beau caftan !” Quand il avait besoin d’une blouse, sa femme lui donnait la peau de mouton. Il en faisait l’éloge et disait : ” Quelle belle blouse ! ” Il en était ainsi pour chaque chose et Tam était toujours gai, joyeux et ravi.
Lorsqu’il avait terminé une chaussure, il y avait de fortes chances qu’elle eût trois extrémités, car il connaissait mal son métier. Il prenait la chaussure en main et en faisait l’éloge ; très content, il disait : ” Ma femme, quelle beauté dans ce petit soulier, quelle douceur extrême, quel amour de soulier ! ” Sa femme lui répondait : ” S’il en est ainsi, pourquoi les autres cordonniers réclament-ils trois gulden pour une paire de chaussures, alors que toi, tu ne demandes qu’un thaler (un gulden et demi) ? ” Il lui répondait : ” Qu’est-ce que ça peut bien faire ? C’est leur affaire, et ceci est mon affaire. D’ailleurs, pourquoi parler des autres ? Voyons seulement combien je gagne avec ce petit soulier : le cuir me coûte tant, la résine et le fil tant, les clous et le reste tant. Voilà, je gagne dix groschen. A quoi bon me faire du souci, quand je réalise un tel profit ? ” Et il restait toujours gai et joyeux ; un véritable objet de moquerie pour les autres.
Avec lui, les gens obtenaient ce qu’ils voulaient, car ils avaient quelqu’un de qui se moquer à leur convenance. A leurs yeux, il était fou. Certaines personnes allaient lui rendre visite et faisaient exprès d’entamer une discussion avec lui, afin d’avoir quelque chose à ridiculiser. Tam répondait sans

moquerie, et dès qu’on lui parlait sans moquerie, il écoutait et se mettait à discuter, car, étant simple, il ne voulait pas avoir recours à des subtilités, qui n’étaient finalement que moqueries. Lorsqu’il s’apercevait qu’on se moquait de lui, il disait : ” Tu es plus malin que moi ? Et alors ? En fait, tu es un imbécile, car que suis-je ? En étant plus malin que moi, tu n’es qu’un imbécile ? ” Telle était la nature de Tam.

Retrouvons maintenant ‘Hacham.
Un jour, le bruit courut que ‘Hacham était en route et qu’il arrivait couvert de gloire et d’intelligence. Tam, très joyeux, courut à sa rencontre. Il avait dit à sa femme : ” Donne-moi vite ma blouse que je puisse aller retrouver mon cher camarade et le revoir ! ” Elle lui donna la peau de mouton et il courut à la rencontre de son ami.
’Hacham voyageait dans une voiture, de façon altière. Tam accourut au devant de lui et le salua avec beaucoup de joie et d’affection : ” Mon cher frère, comment vas-tu ? Dieu soit loué de t’avoir ramené et de m’avoir accordé le mérite de te revoir ! ” ‘Hacham le fixa du regard. Pour lui, le monde ne comptait pas, à plus forte raison cet individu qui ressemblait à un fou. (On se souvient que pour ‘Hacham, tous les hommes ne comptaient pas, car il s’estimait plus intelligent qu’eux). Pourtant, à cause de cette amitié de jeunesse, du temps où Tam et lui s’aimaient, il se rapprocha de lui et entra en ville en sa compagnie.
Les deux bourgeois, pères des deux enfants ‘Hacham et Tam, étaient morts alors que ‘Hacham se trouvait à l’étranger, et avaient laissé leurs maisons. Tam était resté dans sa ville et dans la maison qu’il avait héritée de son père. Mais comme ‘Hacham était alors à l’étranger, personne n’avait repris la maison de son père laquelle resta vide et abandonnée ; il n’en restait plus rien. A son retour, ‘Hacham n’eut nulle part où habiter. Il logea donc dans une auberge où il fut malheureux car elle n’était pas à son goût.
Tam, quant à lui, avait trouvé une nouvelle activité : il courait sans cesse chez ‘Hacham, plein de joie et d’affection. Il remarqua la tristesse de ‘Hacham logé à l’auberge et lui dit : ” Mon frère, viens chez moi, dans ma maison. Tu habiteras avec moi et le peu que je possède, y compris ma maison, seront à toi. ” Cela plut à ‘Hacham ; il partit s’installer chez Tam.
Cependant, ‘Hacham demeurait malheureux, car il se croyait un génie, un artisan de talent et un grand médecin. Un jour, un seigneur lui rendit visite et lui demanda de lui fabriquer une bague en or. Il exécuta un bijou très délicat sur lequel il grava de jolies scènes et un arbre qui était une merveille. Le seigneur revint plus tard et la bague ne lui plut pas. ‘Hacham en fut très malheureux, car il savait en son for intérieur, que cette bague gravée de l’arbre aurait eu beaucoup de valeur en Espagne. C’était une pure merveille, et ici, elle ne plaisait pas.
Une autre fois, un gros propriétaire lui apporta un diamant précieux qui lui avait été rapporté d’une contrée lointaine, ainsi qu’un diamant gravé. Il demanda à ‘Hacham de reproduire la même scène sur le premier diamant. ‘Hacham exécuta une réplique exacte de la scène, à l’exception d’un détail qui faisait défaut et dont nul autre que lui ne pouvait remarquer l’absence. Le propriétaire vint récupérer son diamant et en fut enchanté. Mais ‘Hacham fut très malheureux de l’erreur qu’il avait commise. Il se dit : ” Habile comme je suis, j’ai pourtant fait une erreur ! “
En médecine aussi, il était malheureux. Il rendait visite à un malade, lui administrait un remède de bonne qualité et dont il savait pertinemment qu’il aurait un effet salutaire sur le patient, et il arrivait que le malade mourût. Les gens le mettaient en cause et cela le rendait très triste. Un jour, il administra un remède à un malade et celui-ci guérit. Les gens dirent alors que la guérison était accidentelle et non due à ‘Hacham. Cette affaire l’avait profondément attristé et sa tristesse persista.
Lorsqu’il avait besoin d’un habit, il faisait venir le tailleur et souffrait jusqu’à lui avoir fait comprendre quelle sorte de vêtement il désirait. Le tailleur, qui connaissait son métier, réussissait à faire l’habit répondant à la volonté de son client. Mais un jour, il fit une erreur sur un revers et le rata. ‘Hacham fut très malheureux car il savait que, bien qu’ici personne ne pût comprendre, ” en Espagne on eût ri de moi à cause de ce revers et j’aurais eu l’air ridicule. “

Tam rendait toujours visite à ‘Hacham plein de joie et d’entrain. Chaque fois, il trouvait son ami malheureux et l’âme en peine. Il lui disait : ” Pourquoi quelqu’un d’aussi intelligent et riche que toi est-il toujours malheureux ? Et pourquoi suis-je toujours joyeux ? “
’Hacham ressentait cela comme une moquerie et prenait Tam pour un fou.
Un jour, Tam lui dit :
- Même les gens ordinaires, lorsqu’ils se moquent de moi, sont des imbéciles. En étant plus malins que moi, ils n’en sont que plus sots. A plus forte raison un génie comme toi ; quelle importance que tu sois plus intelligent que moi ? Que le Très-Haut t’accorde d’arriver à ma condition, de devenir simple comme moi !, ajouta-t-il

– Serait-il possible pour moi d’arriver à ta condition ? Si Dieu me retirait toute intelligence ou faisait que je tombe malade, à Dieu ne plaise, il se pourrait que je devienne fou, car toi, tu n’es qu’un fou ! En revanche, il est impossible que toi tu arrives à ma condition. Jamais tu ne seras un génie comme moi ! – Pour Dieu Béni-Soit-Il, tout est possible. Je peux arriver à ta hauteur en un clin d’ il, lui répondit Tam ;

‘Hacham se moqua de lui.
Les gens prirent l’habitude d’appeler les deux enfants ‘Hacham et Tam. Le monde contenait bon nombre de gens très intelligents et de gens simples, mais ici, c’était plus évident car les deux enfants venaient de la même ville et avaient étudié au même ‘héder. La vive intelligence de ‘Hacham, la simplicité de Tam leur valurent leurs surnoms. Dans les registres royaux, chacun est inscrit avec les noms des gens de sa famille. Les deux enfants y figuraient sous les noms de ‘Hacham et de Tam.

Un jour, le roi consulta ses registres et remarqua les deux noms tels qu’ils étaient inscrits : ‘Hacham et Tam. Il s’étonna que deux personnes portent de tels surnoms. Il désira les rencontrer et se dit : ” Si je les convoque à l’improviste, ils vont être effrayés. ‘Hacham ne saura pas quoi répondre, et Tam pourra devenir fou de peur. ” Il décida donc d’envoyer un sage chez ‘Hacham et un benêt chez Tam. Mais où trouver un sot dans la capitale du royaume ? En effet, dans la ville où réside le roi, la plupart des gens sont intelligents. Seul celui qui est en la charge du trésor royal est un benêt. En effet, jamais un homme intelligent n’aura la charge de trésorier, de peur qu’il n’utilise ses facultés intellectuelles pour dilapider le trésor royal. Voilà pourquoi la charge de trésorier est confiée à un imbécile.

Le roi convoqua un sage et le benêt (le trésorier) et les envoya respectivement chez ‘Hacham et chez Tam. Il fit remettre à chacun une lettre ainsi qu’une autre missive destinée au gouverneur de la province où ‘Hacham et Tam résidaient. Dans la lettre adressée au gouverneur, le roi ordonnait à celui-ci d’envoyer des lettres en son nom à ‘Hacham et à Tam, afin de ne pas les effrayer. Il devait leur dire que l’affaire n’avait pas de caractère urgent, que le roi ne leur intimait pas l’ordre de venir. Ils avaient le choix et le roi aimerait simplement les rencontrer.

Les deux messagers, le sage et le benêt partirent et arrivèrent chez le gouverneur. Ils lui remirent les lettres. Le gouverneur fit enquêter sur les deux enfants ; on lui fit savoir que ‘Hacham était d’une intelligence hors du commun et très fortuné, tandis que Tam était un homme des plus ordinaires possédant beaucoup de vêtements grâce à sa seule peau de mouton. Le gouverneur pensa qu’il ne serait pas convenable d’amener Tam chez le roi ainsi vêtu. Il fit faire des vêtements convenables, les fit déposer dans le chariot de Tam, et donna les lettres aux messagers.

Les messagers partirent ; le sage se rendit chez ‘Hacham et lui donna la lettre, pendant que le benêt se rendait chez Tam pour lui remettre la lettre qui lui était destinée.
Lorsqu’il reçut la lettre, Tam demanda au messager, qui était simple lui aussi :
- Je ne sais pas ce qui est écrit dans cette lettre, tu vas me la lire.

– Je vais te dire par coeur son contenu : le roi désire te voir.
- Ce n’est pas une plaisanterie au moins ?
- Non ce n’est pas une plaisanterie. C’est la pure vérité.
A ces mots, Tam fut très joyeux et courut annoncer la nouvelle à sa femme : – Ma femme, le roi m’a convoqué !

– Qu’est-ce que cela veut dire, le roi t’a convoqué ?
Il n’avait pas le temps de lui répondre et se prépara joyeusement en un clin d’ il. Puis il partit s’installer dans le chariot pour voyager avec le messager. Il aperçut les vêtements que le gouverneur avait fait confectionner et placer dans le chariot et il en fut ravi : il avait même des vêtements ! Il était comblé !

Entre-temps, on fit savoir au roi que le gouverneur agissait avec tromperie. Le roi le fit révoquer et pensa qu’il serait bon d’accorder cette charge à un homme simple, car celui-ci gouvernerait la province avec justice et équité, sans ruses ni manigances. L’idée de nommer Tam gouverneur lui plut et il ordonna sa nomination à ce poste. Comme Tam devait traverser la ville du gouverneur, il fallut poster des gardes aux portes de la ville afin qu’il fût informé dès son arrivée de sa nomination au poste de gouverneur. Ainsi fut fait. On posta des gardes, et lorsque Tam arriva, on lui dit de s’arrêter et on lui annonça qu’il était gouverneur. Il dit : ” Ce n’est pas une plaisanterie, au moins ? ” On répondit : ” C’est la vérité, ce n’est pas une plaisanterie. ” Tam devint immédiatement gouverneur, avec l’autorité et les pouvoirs qui lui revenaient. Comme la chance commençait à lui sourire, et comme ” la chance rend intelligent ” (Shabbat I56a), il commença à faire preuve d’intelligence. Toutefois, il n’en abusait pas. Son comportement ne changea pas ; il gouvernait avec justice et droiture. Il ne trompait personne et ne lésait personne. Pour diriger une province, point n’est besoin de ruses ni de manigances ; la simplicité et la droiture suffisent. Lorsque deux plaideurs se présentaient

devant lui, il disait : ” Tu es innocent, et toi tu es coupable. ” Sa simplicité et sa sincérité ne contenaient ni mensonge ni ruse ; il menait ses affaires avec honnêteté. Il était aimé de tout le monde et avait des conseillers dévoués qui l’aimaient sincèrement.
Par amitié, un de ses conseillers lui donna un jour le conseil suivant : ” Tu vas devoir te présenter devant le roi, car il t’a convoqué. Qui plus est, un gouverneur doit se présenter devant le roi. Tu es un homme honorable, et le roi ne trouvera aucune duplicité dans ta façon de conduire le pays. Cependant, sache que le roi a l’habitude, lorsqu’il discute, de faire des digressions et de se mettre à parler de sagesse. Il parle aussi des langues étrangères, et la politesse et le protocole veulent que tu sois capable de lui répondre. C’est pourquoi il serait bon que je t’enseigne les sciences et les langues. “
Ce discours plut à Tam : il se dit : ” Pourquoi ne pas apprendre les sciences et les langues ? ” Il apprit ces disciplines et les assimila. Aussitôt, lui revint à l’esprit ce que son camarade ‘Hacham lui avait dit un jour : il lui serait impossible de parvenir à son niveau. ” Et voilà que j’y suis parvenu ! ” Et bien qu’il connût les sciences, Tam n’en faisait pas usage et continuait à gouverner avec simplicité comme auparavant. Puis, le roi convoqua Tam, le gouverneur, qui répondit à sa convocation. Le roi lui parla d’abord du gouvernement du pays. Il fut ravi de voir que Tam gouvernait avec droiture, sans ruses ni tromperies. Puis il se mit à parler des sciences et des langues. Tam sut lui répondre comme il le fallait. Le roi en fut encore plus ravi et dit : ” Je vois que c’est un sage et que sa simplicité dicte sa conduite. ” II en fut très content et le nomma Premier Ministre. Il ordonna de lui accorder une ville particulière où il résiderait, et de faire construire des bâtiments d’une beauté digne de lui. Il remit à Tam un document écrit attestant qu’il était ministre. On construisit de beaux bâtiments dans cette ville désignée par le roi, puis Tam reçut sa nouvelle charge et toute l’autorité qu’elle lui conférait.

Lorsque ‘Hacham reçut la lettre du roi, il dit au sage : ” Attends un peu et passe la nuit ici. Nous allons discuter et prendre une décision. ” Le soir venu, il prépara un festin en l’honneur de son hôte. Durant le repas, ‘Hacham réfléchit, mettant à contribution toutes ses facultés intellectuelles et toute la philosophie qu’il connaissait. Puis il dit :

– Quelle peut être la signification de tout cela ? Un roi convoque quelqu’un d’aussi insignifiant que moi. Qui suis-je pour que le roi me convoque ? Un si grand roi doté d’un si grand royaume, et moi qui suis si petit comparé à sa grandeur. Comment imaginer que le roi me convoque ? Dirai-je qu’il me convoque à cause de mon intelligence ? Que suis-je face à lui ? Le roi n’a-t-il pas de sages à son service ? Il est sûrement lui-même d’une grande sagesse. Pour quelle raison me convoque-t-il ?

Il était très étonné et s’adressa au messager :
- Vois-tu, je vais te dire une chose. Je suis convaincu qu’il n’existe aucun roi dans le monde. Tous ceux qui pensent qu’il y en a un se trompent. C’est tout le contraire. Ecoute, comment se pourrait-il que le monde entier se place entre les mains d’un seul homme qui serait roi ? De toute évidence, il n’y a pas de roi en ce monde.
- Je t’ai apporté une lettre du roi ! répondit le messager.
- Est-ce le roi en personne qui t’a remis la lettre ?, demanda ‘Hacham.
- Non. Quelqu’un d’autre me l’a confiée au nom du roi.
- Eh oui ! Tu vois bien que j’ai raison, il n’y a pas de roi. D’ailleurs, tu viens de la capitale royale et tu y as grandi. Dis-moi donc, as-tu jamais vu le roi ?
- Non.
- Tu vois bien que j’ai raison, il n’y a pas de roi, car même toi, tu ne l’as jamais vu.
- Si c’est ainsi, qui dirige le pays ?
- Je vais t’expliquer, car je connais bien tous ces problèmes. Tu fais bien de me poser la question, car j’ai visité de nombreux pays. Je suis allé en Italie où les choses se passent de la façon suivante : il y a soixante-dix conseillers qui ont le pouvoir pendant un temps déterminé. Les charges ministérielles sont confiées à tour de rôle. Elles sont d’abord confiées aux premiers conseillers ; puis ceux-ci sont démis de leurs fonctions et d’autres prennent le relais et dirigent le pays, et ainsi de suite.
Ces paroles eurent de l’effet sur le sage, et bientôt, il fut persuadé avec ‘Hacham qu’il n’y avait pas de roi dans le monde. ‘Hacham déclara :
- Attends jusqu’à demain, et je te démontrerai clairement qu’il n’y a pas de roi.

Le lendemain, après s’être réveillé, ‘Hacham réveilla le sage et lui dit :
- Viens avec moi dans la rue, je vais te montrer que le monde entier se trompe et qu’il n’y a pas de roi. Ils se rendirent au marché, et apercevant un soldat, ils lui demandèrent :
- Qui sers-tu ?
- Le Roi.
- L’as-tu déjà vu ?

– Non.
’Hacham dit alors :
- Tu vois ? Quelle idiotie !
(Le soldat servait le roi qu’il n’avait jamais vu, et ‘Hacham, avec son intelligence imbécile, voulait prouver qu’il n’y avait pas du tout de roi).
Ensuite, ils allèrent voir un officier et engagèrent la conversation avec lui. Ils lui demandèrent :
- Qui sers-tu ?
- Le roi.
- As-tu vu le roi ?
- Non.
’Hacham dit alors :
- Et voilà ! Tu vois bien qu’ils vivent tous dans l’erreur et qu’il n’y a pas de roi !
Le sage donna raison à ‘Hacham ; il n’y avait pas de roi. Puis, ‘Hacham dit :
- Viens, nous allons voyager à travers le monde. Je te montrerai encore jusqu’à quel point les gens se trompent et sont stupides.

Ils voyagèrent et découvrirent partout combien le monde vivait dans l’erreur. (Nos deux sages, à cause de leur subtilité, avaient atteint un tel degré d’imbécillité qu’ils pensaient que le monde entier se trompait). L’histoire du roi devint pour eux une référence. Chaque fois qu’ils voyaient que le monde se trompait, ils disaient : ” Aussi vrai que le roi existe ! “
Ils parcoururent ainsi le monde et dépensèrent tout ce qu’ils possédaient. Ils vendirent un de leurs chevaux, puis un second et finirent par les vendre tous. Ils furent obligés de continuer à pied. Partout ils méditèrent sur le monde et découvrirent que les gens étaient dans l’erreur. Ils devinrent aussi pauvres que des mendiants. On ne leur accordaient plus d’importance ; nul ne faisait attention à eux. De vrais vagabonds. Ils continuèrent leur chemin et se retrouvèrent dans la ville où résidait le ministre Tam.

Dans cette ville, habitait un véritable Baal Shem qui jouissait d’une grande considération, car il avait réalisé de vrais miracles. Les nobles eux-mêmes le connaissaient et l’estimaient beaucoup. Les deux sages entrèrent dans la ville ; ils la visitèrent et passèrent devant la maison du Baal Shem. Devant la porte, ils remarquèrent des chariots dans lesquels se trouvaient une cinquantaine de malades. ‘Hacham pensa qu’un docteur habitait là et désira le voir, car lui aussi exerçait la médecine. Il voulut entrer pour le rencontrer ; il demanda :

– Qui habite ici ?
- Un Baal Shem, lui répondit-on.
Il éclata de rire et dit au sage :
- Voilà un autre mensonge, une autre sottise. C’est encore plus stupide que cette histoire du roi ! Mon frère, je te dévoilerai la supercherie, tu verras jusqu’à quel point le monde est dans l’erreur et croit à tous ces mensonges.
Cependant, comme ils avaient faim et qu’il ne leur restait plus que trois ou quatre groschen, ils se rendirent dans une petite taverne où l’on pouvait manger y compris pour une telle somme. Ils demandèrent à manger et on les servit. Tout en mangeant, ils bavardaient et se moquaient du Baal Shem et de la supercherie qu’il représentait. Le propriétaire de la taverne entendit leurs propos et fut très mécontent, car chez lui on respectait beaucoup le Baal Shem. Il leur dit : ” Finissez de manger et partez d’ici ! ” Puis, l’un des fils du Baal Shem entra et ils se moquèrent de son père devant lui. Le patron les invectiva parce qu’ils raillaient le Baal Shem en présence de son fils, il les roua de coups et les expulsa de chez lui.
Ils furent très vexés et décidèrent de traîner en justice le patron qui les avait battus. Ils se rendirent chez l’homme dans la maison duquel ils avaient déposé leurs baluchons pour lui demander conseil
sur la marche à suivre afin d’attenter un procès au propriétaire de la taverne. Ils racontèrent à l’homme que celui-ci les avait roués de coups. L’autre leur en demanda la raison, et ils lui répondirent qu’ils avaient dit du mal du Baal Shem. Il leur dit à son tour :
- Ce n’est sûrement pas bien de battre un homme ; cependant, vous n’avez pas agi correctement. Pourquoi avez-vous calomnié le Baal Shem ? Ici, il jouit d’un profond respect.
Ils se rendirent compte que cet homme était lui aussi dans l’erreur. Ils partirent de chez lui et se présentèrent chez un fonctionnaire, qui était un gentil. Ils lui racontèrent toute l’histoire et lui dirent qu’on les avait battus. Il leur demanda pourquoi et ils dirent qu’ils avaient dit du mal du Baal Shem. Alors, le fonctionnaire les roua de coups et les mit dehors. Ils se présentèrent devant une instance supérieure, mais en vain. Ils se présentèrent devant une autre instance, puis une autre, toujours plus

haute, mais sans succès ; chaque fois, on les rouait de coups. Finalement, ils se présentèrent devant le ministre, Tam.

Des gardes se tenaient devant sa porte. Ils annoncèrent que quelqu’un désirait le voir. Le ministre donna l’ordre de le faire entrer. ‘Hacham se présenta devant le ministre, qui reconnut aussitôt son camarade. Cependant, ‘Hacham ne le reconnut pas, car l’autre avait atteint un rang élevé. Le ministre se mit aussitôt à lui parler et dit :

– Regarde, j’ai accédé à ce rang élevé grâce à ma seule simplicité. Regarde où ton intelligence et ta subtilité t’ont amené.
- Que tu sois mon camarade Tam, nous en parlerons plus tard, s’écria ‘Hacham. Pour l’heure, rends- moi justice, car j’ai été roué de coups.

– Pourquoi as-tu été battu ?, demanda Tam.
- Parce que j’ai dit du mal du Baal Shem. Je l’ai traiter de charlatan et d’escroc.
- Tu persistes à faire le malin ! Regarde et écoute un peu. Un jour, tu as prétendu que tu pourrais facilement arriver à ma condition, mais que moi je ne pourrais pas atteindre la tienne. Je suis arrivé à ton niveau depuis longtemps, mais toi, tu n’es pas encore parvenu au mien. Je constate combien il t’est difficile d’arriver à ma simplicité. Cependant, Tam connaissait la grandeur passée de ‘Hacham et il donna l’ordre de lui confectionner des habits et de l’en vêtir. Puis il l’invita à dîner. Pendant le repas, ils bavardèrent, et ‘Hacham exposa sa théorie stupide, selon laquelle il n’y avait pas de roi. Le ministre, Tam, s’écria :
- Que dis-tu là ? J’ai moi-même vu le roi !
- Tu sais de toi-même que c’est le roi ?, lui répondit ‘Hacham en riant. Le connais-tu ? Connaissais tu son père et son grand-père lorsqu’ils régnaient ? D’où sais-tu que c’était bien le roi que tu as vu ? On t’a dit que c’était le roi et on s’est moqué de toi ! Tam ne fut pas content que l’on niât ainsi l’existence du roi.

Puis, quelqu’un arriva et dit : ” Le Diable vous convoque.” Tam trembla de tous ses membres et courut annoncer la chose à sa femme, tout effrayé. Celle-ci lui conseilla de faire venir le Baal Shem et c’est ce qu’il fit. Le Baal Shem lui donna des amulettes et des talismans et lui dit que désormais il n’aurait plus peur, il en était sûr.

‘Hacham et Tam se remirent à table. ‘Hacham demanda : – Pourquoi as-tu eu si peur ?
- Parce que le Diable nous a convoqués !
’Hacham se moqua de lui et dit :

– Tu crois donc au Diable ?
- Qui d’autre nous a convoqués ?”
- C’était sans doute mon frère qui désirait me voir. Il a tout manigancé et m’a fait demander sous ce prétexte.
- S’il en est ainsi, comment a-t-il franchi les postes de garde ?
- Il a assurément graissé quelques pattes, et les gardes ont menti en disant qu’ils ne l’avaient pas vu.

A ce moment-là, un autre personnage arriva et dit aussi : ” Le Diable vous demande ! ” Muni des amulettes que le Baal Shem lui avait données, Tam n’eut pas peur, et dit à ‘Hacham :
- Qu’en penses-tu ?
- Je vais tout te raconter. J’ai un frère qui est très en colère contre moi Il a tout manigancé pour me faire peur.

‘Hacham se leva et interrogea le messager :
- A quoi ressemble celui qui nous a fait demander ? De quelle couleur sont ses cheveux, etc. ?
- Comme ci, et comme cela répondit le messager.
- C’est tout le portrait de mon frère !, s’écria ‘Hacham.
- Vas-tu partir avec eux ?, demanda Tam.
- Oui, je vais les accompagner. Donne-moi seulement une escorte afin que je ne sois pas importuné. Tam la lui donna. ‘Hacham et le sage partirent en compagnie de celui qui les avait fait demander (c’est-à-dire le Diable, bien qu’ils n’eussent pas voulu le reconnaître).
Après un certain temps, l’escorte revint et le ministre Tam demanda aux soldats : ” Où sont les deux sages ?” Les soldats répondirent qu’ils l’ignoraient.
Le messager du Diable s’était emparé des deux sages et les avait traînés jusqu’à un endroit plein de boue et de chaux. Là-bas, le Diable était assis sur un trône posé dans la boue. Celle-ci était aussi lourde et épaisse que la colle. Les deux sages ne pouvaient pas bouger ; ils crièrent : ” Méchants, pourquoi nous torturez-vous ? Le Diable existe-t-il ? Vous êtes mauvais, vous nous torturez pour rien !

” (comme les sages ne voulaient pas admettre l’existence du Diable, ils disaient que c’était des méchants qui les torturaient en vain). Les deux sages étaient allongés dans la boue et réfléchissaient : ” Qu’est-ce que tout cela ? Rien que des débauchés avec lesquels nous avons eu maille à partir un jour, et qui maintenant nous torturent. ” Ils restèrent dans la boue de nombreuses années et furent atrocement torturés.

Un jour, Tam, le ministre, passa devant la maison du Baal Shem. Il se souvint alors de ‘Hacham, son camarade. Il entra chez le Baal Shem et s’inclina devant lui, comme le veut l’usage. Il lui demanda s’il lui était possible de lui faire voir ‘Hacham et de le libérer. Il lui dit :
- Te souviens-tu de ‘Hacham que le Diable avait convoqué et fait enlever ? Depuis ce jour, je ne l’ai pas revu.

– Oui, je me souviens, répondit le Baal Shem.
Alors, Tam le supplia de lui montrer l’endroit où ‘Hacham se trouvait, et de l’en faire sortir. Le Baal Shem dit : ” Sans aucun doute, je peux te montrer l’endroit et en faire sortir ‘Hacham. Mais il n’y a que toi et moi qui puissions y aller. “
Ils se mirent tous les deux en route. Le Baal Shem fit ce qu’il savait faire, et ils arrivèrent. Tam vit les deux sages allongés dans la boue épaisse et dans la chaux. Apercevant Tam, ‘Hacham s’écria :
- Frère, vois comme ils me frappent ! Ces débauchés me torturent cruellement pour rien !
Le ministre lui répondit en criant :
- Est-ce que tu persistes à faire le malin et à ne croire en rien ? Tu dis que ce sont des hommes ! Regarde, voici le Baal Shem dont tu as médit. On va te montrer que lui seul peut te sortir d’ici, et il te fera voir la vérité.
Tam pria le Baal Shem de tirer ‘Hacham de là et de leur démontrer que le Diable existait et que les démons n’étaient pas des êtres humains. Le Baal Shem fit ce qu’il devait faire. Ils se retrouvèrent debout, au sec, sans la moindre trace de boue. Les démons redevinrent poussière.
Alors, ‘Hacham reconnut la vérité et dut admettre qu’il y avait effectivement un roi, un véritable Baal Shem, etc.

A propos de cette histoire, il est dit dans l’enseignement qui évoque la simplicité (Likoutey Moharan B,19) que le principe de la Yiddishkeit ne réside pas dans la subtilité, mais dans la simplicité et l’innocence, etc.

Lorsqu’il eut terminé de raconter cette histoire, le Rebbe (Rabbi Na’hman) dit : ” Une prière mal dite est comme un soulier à trois extrémités. Comprends bien tout ce qui est raconté ici. On peut très bien vivre avec du pain, de l’eau et une peau de mouton. On aura une vie meilleure et plus gaie que celle du plus subtil et du plus riche des hommes. On voit qu’ils sont constamment torturés, et que la meilleure part est réservé à Tam, qui se contente de ce qu’il a et qui est toujours joyeux. Celui qui veut être malin et qui réfléchit trop, n’a que des ennuis, du début à la fin. Il est misérable, et sa vie n’en est pas une. A la fin, il perd tout et finalement Tam le prend en pitié et lui vient en aide. En dehors de tout cela, cette histoire renferme de grands secrets. Dans toutes ces histoires sont cachés des secrets de la Torah. “

1 Commentaire

  1. La simplicite est une lumiére qui eclare le bon heure!merci!

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